(一) Hei aime porter du noir, il ne porte que ça, ne réclame que ça. C’est là où il se sent le plus à l’aise. Et pour son travail de Mahoutsukai, c’est ce qu’il y a de mieux pour éviter que le sang se voit et éviter de s'enquiquiner à faire partir les tâches.

(二) Depuis qu'il vit chez Hikari, il aime particulièrement disposer son futon sous son velux pour pouvoir observer les étoiles avant de s'endormir. Il se passionne chaque jour un peu plus des étoiles, aimerait connaître le nom de chacune, ainsi que ses particularités. Pour en revenir à sa chambre, c'est la première fois de sa vie qu'il a un espace aussi grand pour lui tout seul.

(三) Le jeune homme ne sait pas lire ni écrire ; sa majō ne lui a jamais appris cela. C'est une autre chose qui changera une fois qu'il sera sous contrat avec Hikari.

(四) Totalement illettré, ce n'est pas pour autant qu'il est stupide ; il est en fait un excellent combattant. Ses yeux ne ratent rien et il sait parfaitement comment venir à ses fins. Ses seules limites étant celles que sa première majō lui a imposé.

(五) Il lorgne souvent sur les véhicules à deux roues ; il a envie de conduire une moto, mais il n'a jamais demandé et il ne demandera jamais de lui-même un tel objet.

(六) Hei est gaucher, ce qui en fait en théorie un adversaire redoutable à l'épée. Cela surprend et déstabilise ses adversaires ; cela le rend aussi plus imprévisible, il paraît.

(七) Il parle coréen, et ne s'est jamais rendu compte que c'était le cas grâce au sortilège présent dans la cité et qui retranscrit tout ce qui se dit dans sa langue natale. C'est probablement le cas de beaucoup de monde, puisque personne ne lui a jamais rien dit.

(八) Hei a une peur bleue de l'eau, surtout quand il n'a pas pied. C'est la seule chose qui l'effraie et Tomori n'a jamais rien pu faire pour y remédier et ce n'est pas faute de l'avoir disputé à ce sujet. Pourtant, à côté de ça, il adore la pluie et pourrait rester dessous à se tremper pendant des heures. Il adore la saison des pluies.

(九) Il est habitué à se contenter d'extrêmement peu ; et n'a d'ailleurs jamais vu le problème, pour lui c'était normal et il n'a jamais envié un autre mahou d'avoir plus que lui. Il a vécu dans un espace extrêmement petit pendant prêt de 140 ans, avec peu de vêtements. Tomori l'a toujours bien nourri pour qu'il reste en bonne santé. Il est passé de tout à rien, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a du mal à s'adapter.

(十) Il déteste l'hiver plus que n'importe quelle autre saison. Non seulement parce qu'il fait trop froid à son goût mais aussi parce que c'est la période à laquelle il a été trouvé dans la forêt, sans aucun souvenir. Il ne se souvient de rien avant ce jour-là, c'est comme s'il était apparu comme par magie. Et il n'est pas à l'aise avec cela, ça le rend plutôt grognon.

Tensai a la respiration tremblante, il rampe jusqu’à la femme, incapable de se lever, une jambe totalement hors d’état.

Sa main finit par atteindre le bras de sa majō, qu’il secoue doucement pour tenter de la réveiller.  Il semble ignorer qu’il est lui-même en train de mourir ; l’adrénaline coupe toute sensation de douleur malgré tout les coups qu’il a reçu, malgré tout le sang qui semble s’échapper de son corps. Il ne réalise pas non plus que Tomori n’est déjà plus.

Il s’est battu comme un diable pour protéger sa majō.
Et il a lamentablement échoué.
C’est inacceptable.

Il s’approche encore un peu. Sa main ensanglantée vient trouver le visage de la sorcière qu’il tente de réveiller. Il ne remarque pas qu’ils ne sont plus seuls. Une âme les a trouvé et s’affairent à aider le monstre qu’il est. Ce dernier se défait. Sa vie ne vaut rien face à celle de la majō.

— Tomori… d’abord…

Sa voix est faible, la force dans son bras quasi inexistante alors qu’il redirige l’attention de la tierce personne vers la femme à ses côtés. Ses yeux papillonnent alors qu’il lutte pour rester conscient.

— Elle est déjà morte, qu’on lui dit. Je ne peux rien faire.

Un silence.

— Ah… Je vois…

Son combat est terminé.
Est-ce le prix de la liberté ?

Il ferme les yeux.
Pour la dernière fois.

***

Tensai ne s’est jamais senti aussi mal de toute sa vie. Il a l’impression d’avoir été écrabouillé sous un énorme rocher. Il soupire lui échappe alors qu’il ouvre les yeux difficilement, les yeux éblouis par la lumière soudaine qui agresse sa rétine. Il reste silencieux quelques secondes, observe l’endroit où il se trouve. Le lieu ne lui est pas familier. Une femme est là, elle le regarde.

— Comment tu te sens ?

Il reste silencieux. Ne préfère pas répondre à la question qui lui a été posée.

— Où est Tomori ?

Il connaît la réponse, mais il demande quand même, au cas où, sur un malentendu. Encore un peu de déni avant que la réalité ne lui revienne en pleine figure.

— Elle est morte. Désolée Tensai.

Il n’y a plus de contrat qui tienne. Il le comprend en voyant son corps translucide. C’est la suite logique après la mort de sa majō après tout. Personne ne voudra de lui après tout, puisqu’il est un monstre. Ça explique pourquoi il se sent dans un état déplorable.

— Signe un contrat avec moi.

La demande est incongrue. Tensai ferme les yeux de nouveaux, et est attiré rapidement dans les bras de Morphée. La voie de la jeune femme s’exclame d’un coup :

— De toute façon c’est trop tard, tu as déjà signé !

Tensai ouvre grand les yeux. Aussi inhumain lui-a-t-on appris à être, il ne peut cacher sa surprise.

— Comment ça ?

Ce n’était pas possible. D’autant plus que ce n’était pas ce qu’il voulait. La jeune femme reprend :

— Tu aurais disparu sinon. Je n’avais pas le choix.

Il tourne la tête, regarde dehors avec dépit. Il se dit que ça aurait peut-être été mieux.

***

Tensai refuse de travailler pour Hikari. Il est capricieux. Les gens défilent à son chevet ; un opportuniste après l’autre. Les intentions sont claires et étrangement, le jeune homme ne se sent pas à l’aise. Avec aucun d’eux. La jeune femme est de retour auprès de son mahou. La pièce est silencieuse pendant un moment. Il a l’air un peu dépité, un peu perdu. Après tout, ce n’est pas comme s’il avait envie d’être au service de quelqu’un.

— Tu sais ce que signifie « Tensai » ? Elle demande tout à coup.

L’attention du garçon se tourne vers Hikari. Il secoue la tête en silence.

— Ca veut dire catastrophe naturelle, ou désastre.

Elle marque une pause.

— Tu existes grâce à ton prénom. Et celui qu’on t’a donné n’a rien de positif, il n’inspire rien de bon auprès des autres.

Le jeune homme ne semble pas comprendre où elle veut en venir. Elle glisse ses doigts au creux de sa main et la serre doucement.

— Trouvons un joli prénom.

Elle lui adresse un sourire tendre, auquel il reste accroché.

— Comme quoi ? Il souffle, presque curieux, presque rempli d’espoir.

Hikari sourit de nouveau, réfléchit un peu. La jeune femme sort un calepin de sa poche et de quoi écrire. Elle griffonne quelque chose avant de tendre la feuille au mahoutsukai. Il regarde l’unique caractère qui noircit la page, avant de lever les yeux vers la sorcière.

— Hei.

Il répète doucement son nouveau prénom. Elle ajoute :

— Ca veut dire paix.

Hei acquiesce, accepte de signer un nouveau contrat avec Hikari.