● 影の街に住む魂の信じられないほどの物 語 ●« Hana n'était pas une enfant... facile. Elle trouvait toujours à critiquer et ne comprenait pas que les autres puissent avoir raison contre elle. Elle rejetait sans cesse l'autorité et cela nous a causé beaucoup de soucis. Heureusement, c'est une fille intelligente. Elle s'en sortait très bien de ce côté-là, à l'école. Mais le comportement, ça n'allait pas ! J'avais très peur pour son avenir. J'avais un peu honte d'être son père, parfois. Mais oui, je l'aime, bien sûr. Je t'aime Hana. Joyeux anniversaire ! »
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« Hana et moi, on s'est rencontré à une soirée. Je crois que je suis de suite tombé sous ton charme. Tu étais... magnifique. Vraiment, vraiment très belle, n'est-ce pas ? J'ai pas osé t'aborder. J'ai soudoyé Lily pour avoir ton nom et je t'ai stalké quelques temps sur les réseaux, je l'avoue. Après je t'ai oublié, je sais ni comment ni pourquoi. Tu es inoubliable ! Et puis, on s'est revu. Je sais plus où, décidément la mémoire ! Bref, elle m'a friendzone pendant... 6 mois ? Oui ma fleur, 6 mois quand même... Mais ça valait le coup. Parce qu'elle est de très bonne compagnie... Dans la douche, sur la table, dans le lit, plus classique, de très bonne compagnie ! Oui, bah, il faut bien que j'en parle. C'est quand même de là que vient la p'tite olive dans ton ventre. Alors oui, apparemment, là, le p'tit bout est entre l'olive et la figue. Et je l'aime déjà... Je t'aime petite olive. Je t'aime Hana. »
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« Nous sommes réunis aujourd'hui, dans le chagrin. Cami nous a quitté. Il est parti bien trop tôt et nos cœurs sont emplis d'une peine immense. Il n'y a rien, aucun mot, aucun geste, qui puisse soulager ses parents. Ils ont perdu un enfant. C'est inconcevable. Sa disparition, si soudaine, nous laisse dans l'incompréhension, dans le désespoir. Cami nous a quitté, il n'est plus, il est mort. [...] J'aimerais allumer cette bougie, pour Cami, pour sa mère, pour son père, pour ses grands-parents et tous ceux qui l'ont aimé. J'allume cette bougie pour vous, pour lui. »
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«
Hana... que fais-tu à l'hôtel ? » « Je dors... et je pleure. » «
Et pourquoi fais-tu cela à l'hôtel ? » « Il refusais de partir, j'avais pas le choix... Qu'est ce que tu veux maman ? » «
Je n'ai plus le droit de venir te voir ? » « Si, bien sûr... Voilà, tu m'as vu. » «
Hana... tu devrais rentrer » « Stop ! Arrête maman. Ne me dis pas quoi faire, je ne suis plus une enfant ! » «
Je n'ai jamais pu te dire quoi faire ; même quand tu étais enfant, tu n'écoutais jamais. » « Désolée ne pas être la petite fille parfaite que vous vouliez, papa et toi. Maintenant, si tu voulais bien partir, je suis occupée. » «
Occupée ? En pyjama, à boire... du gewurtz et manger de la guimauve devant... Qu'est ce que tu regardes ? » « Je suis une grande fille : je peux boire et manger ce qu'il me plaît. Personne ne t'a demandé de critiquer. » «
Je ne critique pas, je constate. Pourquoi es-tu aussi agressive ? » « Agressive ?!... Excuse-moi maman, mais c'est toi qui a débarqué à l'improviste et tu ne fais que critiquer depuis que tu es arrivée ! » «
J'étais inquiète, je suis ta mère ! Tu ne réponds plus au téléphone, je voulais savoir comment tu allais ! » « Comment je vais... Tu voulais savoir comment je vais ? Vraiment ? Mon fils est mort, maman. Il est mort. Tu te demandes comment je vais ? Tu ... ! Je vais mal, maman. Je vais mal. Mon fils est mort. Il est mort... maman. Laisses-moi tranquille, s'il te plaît. » «
Hana... » « Non, lâche-moi maman. S'il te plaît. » «
Ma chérie... Tu devrais rentrer. » « Non. Arrête ! Non, je ne rentrerai pas maman... Dans quel camp es-tu ?! Il... il l'a tué. Il a tué mon fils. Comment tu peux me... » «
Hana... Tu devrais rentrer à la maison, avec nous. C'est ce que je voulais dire. Tu es d'accord ? » ... « hn hn... » «
Oh ma chérie. Viens-là. Je suis là, je suis là. »
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« Ca fait un mois, un mois que j'ai emménagé chez mes parents. Rien a changé, je suis toujours pleine de vide. Par contre, mon père n'a jamais été aussi compréhensif, et tendre. Ma mère, je ne la reconnais tout simplement plus. Je n'ai plus l'impression de posséder mon propre corps, mais eux ont carrément perdu la tête. C'est dingue, ce sont d'autres personnes. Mes parents ont disparus... Ma vie n'a vraiment plus aucun sens. Comment je vais ? Je vous l'ai dis, rien a changé. Je suis là, je vous parle, je peux vous sourire, si vous voulez, mais... vous voyez, je ne suis pas là. C'est un sentiment étrange. Oui, j'espère que vous avez raison ; même si je préfèrerais retourner en arrière plutôt que d'aller de l'avant. Non. Je ne veux pas parler de lui. Je ne parlerai pas de lui. Pourquoi ? Vous savez pourquoi. C'est pour ça que je vous paie ? Ca ne m'aidera pas d'en parler, alors arrêtez d'insister, s'il vous plaît. Merci. Oui, je m'en souviens. Mais non, je n'ai pas repris le travail. Je pense me mettre en disponibilité, ou peut-être démissionner... Comment je pourrais retourner bosser ? »
Tu as toujours eu un esprit libre et indomptable, depuis toute petite. Tu aimais casser les codes, tu y trouvais du plaisir et de la fierté. Toutes les règles sont faites pour être respectées, mais il n'est pas nécessaire ni même enviable de toutes les suivre. Tu n'as jamais qu'enfreints les règles que tu trouvais superflues ou injustifiées. Ainsi, si la culpabilité t'a déjà amené à regretter, c'était certainement parce que tu ne voyais plus que la peine et la déception dans le regard de tes parents. Ne leur en déplaise, tu as persévéré. Tu savais ce que tu voulais et tu savais que tu y arriverais. Tu as eu le bon travail, celui que tu voulais. Tu as eu l'amour, le vrai. Tu as même eu le bébé. Ta vie était parfaite, aussi parfaite qu'elle pouvait l'être. Ca semble si loin...
Tout s'est écroulé. Ta vie... tout s'est écroulé. Tu n'as plus de vie. Tout était si parfait. Pourquoi, pourquoi... Ton petit garçon. Il n'est plus là. Il n'est plus là... Il n'est plus là. Et c'est comme si tout le reste n'avait plus d'importance. Tout s'est écroulé et le monde a continué de tourner. Seulement tout s'est écroulé. Tu ne peux plus suivre. Impossible... De faire quoi que ce soit. Tu es si pleine de vide. Le monde continue de tourner et on voudrait que tu le suives, mais tu ne peux pas, tu ne veux pas, tu ne sais pas, tu ne sais plus. Comment tu pourrais ? Il n'est plus là. C'était ton bébé, ton petit garçon, et il n'est plus là.
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Ta mère n'a jamais approuvé aucune de tes décisions. Elle n'aimait pas vraiment l'homme que tu avais choisi et trouvait qu'il était bien trop tôt pour avoir un enfant, que vous étiez trop jeunes et pas assez mariés. Tes méthodes d'éducation ne lui plaisaient pas non plus. Tu n'as décidemment jamais su lui plaire. Pourtant, elle reste ta mère. Elle est venue te chercher. Elle t'as prise dans ses bras et tu as pleuré.
Tu vis à nouveau avec elle. Elle est là pour toi. Elle ne te force pas. Elle te soutient, juste par sa présence. Elle glisse aussi des brochures sur le suivi psychologique et cache les guimauves. Tu n'aurais jamais cru que ça pouvait aussi bien se passer avec elle.
« Maman ? Tu fais les valises ? » « Oui, ton père et moi allons sur la tombe de ses ancêtres. J'allais t'en parler au dîner. » « Au Japon ? » « Bien sûr au Japon. » « ...Je peux venir ? » « Tu... oui, évidemment ! Notre avion est prévu pour jeudi. Tu es sûre ? Je te prends un billet ? »
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« Tiens, prend ça. Tu sais tricoter non ? On va faire un bavoir. Oui, un bavoir. Oui, en laine. Discute pas et tricote. Il faut bien s'occuper pendant le vol. Tu verras, c'est très relaxant. Chéri ? Tiens, fais en un aussi. Oh, tu lieras plus tard ! »
Bon, autant s'exécuter. Tu ne peux pas vraiment t'enfuir de toute façon, vous êtes dans un avion en vol. Les heures passent, tu es concentrée sur ton ouvrage, ça faisait un moment que tu n'avais pas manipulé d'aiguille. Finalement, l'appareil se pose au pays du soleil levant. Après un dernier changement à Tokyo, vous arrivez enfin dans la préfecture d'Akita, d'où ton vieux père est originaire.
Le lendemain, la famille élargie se rassemble pour présenter ses respects aux ancêtres, et particulièrement à ta grand-mère paternelle ; décédée il y a quelques années, elle est la dernière a avoir rejoint le caveau familial. Tous ces cérémoniels te dépassent, mais tu prends sur toi et réponds à toutes les traditions - une fois n'est pas coutume. Au moins, tu peux revoir certains visages familiers et raviver ce qu'il reste de ton japonais.
Une partie d'entre vous se rend ensuite dans un charmant temple bouddhiste. Tu n'es pas prête pour ce qui va arriver. Chaque femme sort de son sac un ou plusieurs petits bavoirs rouge, similaires à ceux que vous avez tricoter dans l'avion. Il y en a près d'une vingtaine. Plusieurs statues du temple sont vêtus des mêmes petits bavoirs rouge.
« C'est pour le bouddha. Pour qu'il trouve l'âme de Cami, pour qu'il puisse se réincarner. Je ne veux pas que mon petit fils erre dans les limbes... J'ai demandé à tes tantes et tes cousines de m'aider. J'ai pensé que le bouddha aurait peut-être quelques difficultés à le trouver... Parce qu'il est mort en France. »
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Tu admires les paysages du parc national de Towada Hachimantai. Ton séjour au Japon, c'est curieux, le vide en toi semble se combler, d'une sorte de chaleur et en même temps, d'une sorte de fraîcheur. Ca fait du bien, de respirer.
Ton téléphone sonne, ce n'est pas un appel. Une notification : 2 ans de Cami. Tu agonises. C'est aujourd'hui. Tu avais oublié. Tu jettes ton cellulaire dans un cri de rage, avant de t'effondrer. Tu restes là, à pleurer, durant de longues minutes. Tu l'ignores, mais tu viens de te condamner. Ton téléphone ne répond plus, tu ne retrouves pas le chemin, tu es perdue et la nuit tombe. Tu l'ignores, mais tu marches vers kagenomachi.