● 影の街に住む魂の信じられないほどの物 語 ●▬ Haru naquit il y a de cela cent-cinquante années, au cœur de la résidence Okamoto. Premier né mais né homme, ses parents ne s’intéressèrent que peu à l'événement et il lui fut un jour raconté qu'il pleura neuf jours, neuf nuits et neuf heures suite à sa naissance dans ce désert affectif avant de ne plus jamais verser une larme. Pendant plusieurs mois on se demanda même si le bambin n'était pas devenu muet face à ce silence implacable et ces billes sombres observatrices.
▬ Poupon docile que l'on pouvait oublier dans une pièce durant des heures, Haru ne s'animait qu'à la surprise générale, lorsqu'il se retrouvait dans leur antique demeure située à quelques pas de la forêt de Furin. Ici, il échappait constamment à la surveillance de tous pour filer sous le couvert de la végétation. Il était cependant aisé de le retrouver car l'enfant passait alors ses heures dans le creux des racines d'un seul et même arbre, sous le regard approbateur de son Kodama.
▬ Ses rares fugues étaient le seul véritable défaut de l'enfant qui mettait alors la maisonnée dans tous ses états. Ainsi, à la vieille de ses huit ans, Haru devint incapable de retrouver l'arbre vénérable et son compagnon, son regard ne trouvant que le vide à l'emplacement de ses amis. Le jour de cette terrible découverte personne ne revint chercher l'enfant qui passa la nuit dans l'atmosphère mystique et impressionnante de la forêt avant de retrouver le chemin de sa résidence au petit matin.
▬ Quitter la demeure Okamoto pour la Tour d'Argent ne fut guère une difficulté pour l'enfant qui ne se connaissait plus aucune attache affective. Néanmoins il troqua un univers d'indifférence contre la loi de la concurrence et comprit bien vite ce que l'on attendait de lui. Après des débuts hésitants qui se firent aussitôt recadrer par une des rares apparitions de sa mère, l'enfant s'appliqua tout bonnement à l'excellence.
▬ Angoissé dans cet univers strict et brutal dans lequel on exige de lui la plus grande efficacité, Haru encaisse et écrase. Il ne s'encombre d'aucun allié, incapable de voir cet entourage autrement qu'une meute de rivaux prêt à tout pour le faire tomber de son piédestal. Cette constante sensation d'agression et d'oppression trouva ainsi naissance dans cette tour pour ne plus jamais le quitter, le persuadant qu'une existence se résumait à être le plus fort pour garder sa tête hors de l'eau de la médiocrité.
▬ Félicité par ses maîtres et ignoré par ses pairs, Haru entretint sa solitude, s'interrogeant parfois sur les interactions sociales qui l'entouraient et les auras que quelques-uns de ses camarades pouvaient posséder. Un être en particulier cristallisa ses interrogations entre fascination et jalousie. La rayonnante Majo semblait tout simplement venir d'un autre monde et même s'exprimer dans une langue qui lui était inconnue en débordant de bienveillance et de générosité. N'ayant aucune expérience de ces concepts, Haru attisa la fracture entre leurs deux mondes en provoquant parfois leur rencontre.
▬ La fin de ces longues années furent, l'espace d'un instant, une véritable bouffée d'air pour le mahōtsukai qui sortait de la Tour d'Argent avec tous les ors de la réussite. Renforcé par le succès de ce parcourt oppressant, Haru bénéficia du soutien d'un de ses maîtres pour obtenir un poste aux jardins de Saruta-Hiko. Néanmoins, la satisfaction de cette nouvelle vola en éclats à l'instant même où il l'annonça à sa famille. Sa place lui fut brutalement rappelée, brisant au sens propre comme au figuré les envies d'avenir du jeune homme.
▬ Ainé de l'ainée de la lignée des Okamoto, Haru entra donc aux services de sa grand-mère et bénéficia d'un approfondissement appliqué de ses connaissances sur la magie du feu. Cet apprentissage a, encore aujourd'hui, laissé une marque profonde dans sa chaire, blessure qui ne fut pas effacée pour qu'il puisse avoir le loisir de se remémorer cette leçon.
▬ Quelques années plus tard, alors que la vénérable Majo estima qu'il était correctement affuté et que sa sœur sortit de la Tour d'Argent, il fut décidé qu'il serait le principal protecteur de cette dernière. Décision qui n'enthousiasma ni l'un, ni l'autre, le premier voyant en la jeune femme cette liberté qu'il ne pouvait avoir et la seconde imaginant en lui un rival un peu trop talentueux auquel elle ne désirait pas être comparée.
▬ En parallèle des jours dans l'ombre de sa sœur et des représentations officielles, Haru ne quitte pas le service de sa grand-mère qui réclame parfois des rapports sur les faits et gestes de sa petite-fille mais qui le charge surtout des aspects les moins recommandables des affaires des Okamoto. Loin des temples et de leur résidence, les rares espaces de liberté du Mahōtsukai sont ces instants de traques, d'informations et de sanctions. Ces espaces de libre-arbitre sont un exutoire dont il use et abuse pour laisser ses maux s'exprimer, la seule frontière qu'il garde alors sont celles posées par le résultat qu'il doit obtenir.
▬ Ainsi, certaines nuits, une odeur de cendre et de chair suit le sillage d'Haru. Tributaires, indésirables, rivaux, le Mahōtsukai n'agit que sous les ordres des Majos mais profite de ces moments de liberté en les étirant chacun dans le temps. Ces dernières années, ses services ont aussi étaient prêtés à d'autres causes, scellant des alliances utiles à sa lignée sans avoir une véritable idée de ce qui se tramait au-dessus de sa tête.
▬ En un siècle, il s'avéra que l'outil et la position qu'il représentait se faisait plus intéressant que prévu pour la vénérable Majo. Inconsciemment, Haru se plaça progressivement dans un rapport moins déséquilibré à mesure qu'il gagnait en valeur. C'est ainsi que dernièrement il lui arriva d'obtenir quelques faveurs sans même qu'il l'ai à le demander. Des détails déployés pour que la créature ne morde pas son propriétaire et que l'intéressé n'identifia que comme une forme de reconnaissance naissante.
▬ Néanmoins, lorsqu'il fut convoqué et que ces honorables visages lui firent miroiter un nouvel avenir en échange de ses fiançailles, la méfiance naquit. L'offre ainsi formulée, remit brutalement en perspective ses derniers conforts obtenus, ouvrant son regard sur sa position au sein des Okamoto. Si il accepta l'offre par la force de l'habitude, Haru se garda bien d'avouer qu'il ne savait quoi faire de cette offre et qu'il pouvait se permettre de douter de ces mots.
▬ Hikari, de toutes les lignées influentes c'était à celle des Tanaka que sa famille voulait l'attacher. La nouvelle finit définitivement par jeter l'ombre sur cet arrangement dans lequel était tombé le Mahōtsukai. Incapable de dissimuler la surprise et le bouillonnement émotionnel qui se heurtait aux souvenirs de la jeune Majo de la Tour d'Argent, Haru osa briser une barrière et brandir ses vérités au visage de sa grand-mère. Surprise de faire face pour la première fois à la créature dont elle usait, la vénérable ainée réussi tout de même à rabattre la porte de la cage sur son petit-fils qui, depuis, est cantonné aux services de sa sœur.
▬ Égaré, Haru est aujourd'hui plus instable, moins présentable aux yeux des Okamoto. Écarté des affaires, le jeune homme a perdu ses instants de liberté et d’exutoire, le rendant presque lunatique pour la plus grande contrariété de sa sœur. Persuadé que ces fiançailles ne sont qu'un nouveau piège Haru est décidé à s'en extirper, peu à même d'analyser cette étrange surréaction que ses émotions semblent éprouver à chaque évocation d'Hikari Tanaka.